Je suis à Shiraz pour No Ruz, c’est-à-dire pour le nouvel an
Iranien. No Ruz veut littéralement dire nouveau jour. C’est une fête perse qui
n’a rien à voir avec l’islam. Pendant 2 semaines les nombre d’iraniens prennent
des vacances et voyagent dans tout l’iran, retournent dans leur villes et
villages rendre visite à leur famille. Les dates exactes dépendent du
calendrier perse, mais en général No Ruz commence le 20 ou le 21 mars et se
termine le 2 avril. Pendant cette période donc les principales villes d’iran
sont prises d’assaut par les touristes iraniens, et il devient très difficile
de trouver un bus ou une chambre d’hôtel.
La coutume à No Ruz, c’est de réunir chez soi les haft seen,
7 objets symboliques perses qui commencent par la lettre S. C’est leur coutume,
un peu comme l’arbre de noël chez nous.
Les haft seen sont les suivants :
-sabzi : germe de blé ou de lentilles poussant dans un
plat, qui symbolise la renaissance et la fertilité.
-samanu : un gateau très sucre fait de germe de blé et
qui symbolise l’abondance.
- seer (ail) et sumaq (baies de sumac) qui représente
la bonne sante.
-sib (pomme) et senjed (un fruit seche), qui représente la
vie et l’amour.
-sonbol (fleur de jacinthe) qui représente la beauté.
On retrouvera aussi sur les tables des foyers le see sekeh (une
pièce d’or, symbolisant un bon revenu pour la famille), un miroir, un coran,
des bougies… Et le plus répandu c’est un petit poisson rouge dans un mini
bocal, qui symbolise la vie.
Lors de la nuit du mardi avant le dernier mercredi de l’année
a lieu le chahar shanbe-soori, les feux du mercredi. Lors de cette soirée les
iraniens dansent, chantent et sautent par-dessus les feux. Le fait de sauter
par-dessus les feux symbolise le fait de bruler la maladie ou la mauvaise chance.
Le problème c’est que le gouvernement iranien a interdit cette pratique qu’il considère
comme païenne. On peut encore en trouver en cherchant bien, mais apparemment
ces feux ce font plus dans le jardin familial, a l abris des regards indiscrets
de la police ou des militaires. A Shiraz malheureusement je n’ai pas trouvé de
feux, bien que monique m’a dit qu’elle en a trouvé plusieurs. J’etais trop
deg !! Et Christophe lui avait réussi à se faire inviter dans une famille
iranienne à cette occasion. Moi j’étais toute seule dans mon dortoir comme un
rat d’égout en décomposition… Tu m’étonne que je n’avais pas le moral !!
J’ai quand même fait une tentative de sortie mais tout ce que j’ai entendu c’est
des 100 aines de pétards qui explosaient de tous les cotes. En effet lors de
cette soirée et parce que les feux ont été interdis, les jeunes remplacent ces
derniers par les pétards et jouent ainsi au chat et à la souris avec la police.
Apparemment c’est super dangereux y a plein de blesses chaque année à cause des
pétards.
Quand le soir de No Ruz arrive, la famille se rassemble autour
des haft seen et recite des prières pour demander le bonheur, la bonne santé et
la prospérité, avant de manger le sabzi polo (riz et légumes) et du mahi
(poisson). Les mères doivent manger un œuf dur pour chaque enfant. Au moment où
le soleil passe l’équateur (le compte à rebours est annonce par la radio) tout
le monde s’embrasse et se serre dans les bras ; les enfants reçoivent les
eidi (cadeaux).
Les fêtes se terminent par Sizdah be Dar, 2 semaines plus
tard, habituellement le 2 avril. Tout le monde se rend en dehors de la ville
pour faire un pique-nique, tout en prenant soin d’emporter les haft seen avec
eux. Le poisson rejette a l’eau ; les germes de blé sont accroches sur le pare-brise
des voitures afin qu’ils soient emportés par le vent. Cette étape symbolise le fait qu’on se débarrasse
de la mauvaise chance de l’année précédente.
Pour No Ruz avec Christophe nous nous rendons sur la tombe
de Hafez, à Shiraz. Il y a plusieurs milliers de personnes qui attendent le
moment fatidique, celui du passage de la nouvelle année. Impossible d’approcher
la tombe de près, c’est déjà plein à craquer. Sur la pelouse des familles
iraniennes préparent un gâteau ou quelque chose à manger, avec les 7 Haft seen
sur un tapis, tandis qu’un membre de la famille lit à haute voix de la poésie
de Hafez. La tension est à son comble, et de temps en temps les gens se mettent
à crier et à applaudir. Dans la foule je rencontre une petite fille de 9 ans
qui parle parfaitement bien l’anglais, qu’elle apprend à l’école. Quand je
pense qu’en France la plupart des gens ne parlent pas anglais ! On est
vraiment à la traine par rapport aux autres pays dans lesquels je suis allée.
Bref la petite me donne pleins d’information sur ce qu’il est en train de se
passer. Elle me dit aussi qu’elle a 9 ans et que bientôt malheureusement il va
falloir qu’elle mette le voile. Elle n’en a pas du tout envie bien sûr mais sa
maitresse commence à lui dire qu’il va falloir qu’elle le mette sous peu de
temps. Sa mère elle essaie de repousser au maximum l’échéance. On fait aussi
connaissance d’un groupe de jeune qui nous aborde en posant les mêmes questions
que tout le monde nous pose, de quel pays on vient, pourquoi on est venu en
iran, qu’est-ce que l’on pense des iraniens, si on est marie, notre travail…
Dans le groupe un mec me branche et me dit en chuchotant qu’il est journaliste
et qu’il est allé en prison pour des raisons politiques. Il me demande comment
il peut faire pour immigrer en France, s’il a besoin d’un visa ou pas… Ca fait
froid dans le dos ! Il a branche Christophe aussi, ce dernier lui a donné
le numéro d’un amis qui connait une association…
Finalement le compte à rebours commence, et la nouvelle année
est la ! La foule est presque hystérique, tout le monde crie, se serre
dans les bras, se félicite… Quelques feux d’artifices illuminent brièvement le
ciel. Soudain des gens se précipitent vers la sortie. Une fumée blanche envahie
le site, le gardien du jardin essaie de se frayer un chemin avec un tuyau
d’arrosage. Apparemment il y a un feu qui s’est déclaré dans l’enceinte du
jardin ! Le problème c’est qu’il y a des milliers de gens dans ce tout
petit jardin, et je redoute un mouvement de panique… J’ai pas trop envie de
mourir piétinée ! J’ai du mal à avancer, la foule est très compacte et
tout le monde essaie de se frayer un chemin vers la sortie. Je vois la peur sur
le visage des gens, les adultes qui tiennent très fort les enfants par la main,
des gens qui commencent un peu à paniquer…
Gros gros coup de stress pour nous,
heureusement tout se termine très bien, les gens sont restés calmes et on a pu
sortir de la tombe de Hafez en un seul morceau. Gros coup de speed quoi !
Lorsque nous progressions vers la sortie, un des mecs du groupe a dit à
Christophe qu’en fait c’était la police qui avait lancé un gros fumigène pour commencer à disperser la foule. Sympa,
il aurai pu y avoir je ne sais pas combien de morts, alors que tout ce qu’on faisait
c’était fêter la nouvelle année ! Vous imaginez vous prendre des fumigènes
dans la tête par la police sur les champs Elysées pour disperser la foule alors
que tout se passe bien ?!
Video du compte a rebours du nouvel an.
Les haft seen vendus dans la rue.
Devant la tombe de Hafez, les familles reunissent les haft seen
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